Les Jeux olympiques de Paris 2024 profiteront-ils à l'emploi et aux entreprises locales, notamment en Seine-Saint-Denis, leur épicentre? Les organisateurs affichent, jeudi, leur volonté d'éviter l'écueil d'un événement déconnecté des territoires.
Au total, les Jeux devraient mobiliser environ 150.000 emplois existants ou à créer, en majorité de 2021 à 2024, selon une étude présentée jeudi par le Comité d'organisation des JO (Cojo). Elle doit être dévoilée devant les élus et trois ministres (Travail, Cohésion des territoires et Sports) réunis dans une ancienne manufacture réhabilitée pour l'accueil d'événements, au pied du Stade de France, théâtre dans cinq ans de la cérémonie d'ouverture des JO et les épreuves reines de l'athlétisme.
Secteurs concernés, la construction (11.700), l'organisation (événementiel, sécurité privée, transport, gestion des déchets, 78.300) et le tourisme (hôtellerie et restauration, 60.000), selon cette cartographie détaillée, réalisée par le Centre de droit et d'économie du sport (Cdes) de Limoges et le consultant Amnyos.
Le Cojo revendique un travail inédit à l'échelle d'un tel événement, qui doit permettre aux acteurs de l'emploi d'identifier les besoins en formation. Durant toute la candidature et depuis l'attribution à Paris, en septembre 2017, le président du Cojo Tony Estanguet martèle le message de "Jeux utiles à la population", alors que les JO font face aux accusations de gigantisme et que certaines éditions (Rio-2016, Tokyo-2020) sont entachées par des soupçons de corruption.
- "Plan Orsec" -
L'enjeu de l'emploi est fort en Seine-Saint-Denis, département défavorisé où seront construits à partir de 2021 le village olympique, le centre aquatique olympique (Saint-Denis) et le village des médias (Le Bourget). Au même moment, la région sera concernée par les chantiers de l'Anru (rénovation urbaine) et du Grand Paris Express.
Lors d'une audition au Sénat en décembre, le délégué interministériel aux Jeux olympiques, Jean Castex, avait demandé "une sorte de plan Orsec en matière d'anticipation des besoins, de formation et de qualification" pour éviter que les prix dérapent et qu'il faille recourir "de manière massive à des entreprises venant d'un peu plus loin en Europe".
"Cette cartographie était attendue, ça va dans le bon sens. Cela doit nous aider à aller chercher des publics éloignés de l'emploi, sur nos territoires", explique à l'AFP Patrick Braouezec, le président de l'agglomération Plaine Commune, territoire de neuf villes dont Saint-Denis, où le chômage atteint 17% (contre 8% en Ile de France au 3e trimestre 2018).
En Seine-Saint-Denis, des événements comme la COP21 (au Bourget en 2015) ou l'Euro-2016 ont laissé un souvenir en demi teinte. "En matière d'impact pour les entreprises locales, c'est plus que mitigé", ajoute le président du département, Stéphane Troussel, qui se félicite du travail accompli avec le Cojo.
- Accès aux marchés -
Autre enjeu, celui de l'accès aux marchés. "Au village olympique, il y aura des lits, des chaises, des armoires. Est-ce qu'on crée les conditions pour qu'ils soient construits par des entreprises en Ile-de-France, ce qui limitera les coûts environnementaux, ou est-ce qu'on va les chercher au bout du monde ?", demande Patrick Braouezec.
La Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo), l'établissement public qui supervise la construction des équipements pérennes des Jeux, a fixé dans une charte un "objectif globalisé et moyen de 10% des heures travaillées" pour les "publics les plus éloignés de l'emploi". Cette charte vise aussi à favoriser l'accès aux marchés pour les TPE/PME, les structures de l'économie sociale et solidaire (ESS), de l'insertion et du secteur du handicap, "en visant au moins 25% du montant global".
Le Cojo, qui organise l'événement, n'a pas fixé de minimums, en mettant en avant les règles de libre concurrence, mais il revendique "une démarche volontariste" sur le sujet.
Dans cette optique, une plateforme numérique, "Entreprises 2024", issue d'une collaboration avec le Medef, va recenser tous les marchés ouverts pour permettre aux petites structures d'y avoir accès. Le Cojo s'est aussi associé aux Canaux (la Maison des économies sociales et solidaires) et au Centre Yunus Paris, pour faciliter la tâche des entreprises de l'ESS.
Paris, 3 avr 2019 (AFP) - © 2019 AFP