Rennes 610"On a dénombré 80 grues à Rennes"! Plusieurs défenseurs du patrimoine grincent des dents face à la multiplication des constructions dans la capitale bretonne au détriment des anciennes maisons, une densification assumée par la municipalité socialiste.

"Il y a des aberrations, des ensembles sortis d'usine qui sont mis devant des bâtiments classés trois étoiles au patrimoine local", peste Michel Coignard, président des Amis du patrimoine, association qui revendique près de 150 adhérents.

Classée en 2017 par L'Express comme étant la ville où l'on vit le mieux en France, Rennes et ses 215.000 habitants attirent. Désormais à moins d'1h30 de TGV de Paris, la capitale bretonne accueille notamment de nombreux Parisiens séduits par des loyers bon marché, la qualité de l'air, de nombreux parcs, des transports collectifs de qualité ou son économie avec un taux de chômage largement inférieur à la moyenne (7,1%). La construction d'une nouvelle gare à l'architecture audacieuse, une deuxième ligne de métro en 2020, l'ouverture d'un palais de congrès dans un ancien couvent sont les signes de ce dynamisme.

Mais certains Rennais estiment que leur patrimoine est sacrifié au profit des promoteurs immobiliers, dans une course à la "métropolisation" des grandes villes sur fond de rivalité régionale avec Nantes. En 2018, ce sont ainsi 5.500 logements neufs qui ont été livrés dans la métropole rennaise (440.000 habitants), un record. Et ce ne sont pas les 70.000 nouveaux habitants attendus d'ici 2030 qui devraient inverser la tendance...

Aussi, une pétition "protégeons l'espace urbain à Rennes", qui réclame qu'un immeuble soit construit moins haut en lisière du centre-ville, a recueilli plus d'un demi-millier de soutiens. Les signataires vilipendent "des projets immobiliers qui par la densité, la hauteur ou la nature des bâtiments paraissent incompatibles avec leur environnement urbain et naturel" et qui évoquent "l'urbanisme erratique et débridé des années 1950 à 1970".

- Eviter l'étalement urbain -

Gauthier Aubert, auteur de "Histoire de Rennes", déplore "qu'on soit dans la logique de la table rase", créant "un effet patchwork", dans une ville dont le credo a longtemps été qu'on s'y sente bien, sans folie des grandeurs, qu'il a résumé par la formule "métro/ vélo/ bateau à Saint-Malo" le week-end.

"L'argument légitimant la destruction de ces maisons est qu'il ne faut pas manger la ceinture rurale et ne pas empiéter sur les terrains agricoles, en y préférant la concentration. Certes, mais on pourrait faire preuve de plus de discernement, il n'y a pas de respect de ce qui pouvait exister auparavant, très souvent on détruit et on reconstruit, sans volonté d'insérer un bâtiment...", estime-t-il.

A la mairie, on assure qu'on n'est pas dans le plaisir de "construire pour construire" ou de "grossir pour grossir". "On a bien lu La Fontaine et La grenouille qui se veut faire aussi grosse que le boeuf...", souffle Sébastien Sémeril, premier adjoint à la mairie de Rennes et délégué à l'urbanisme.

"On pourrait faire le choix de l'hypocrisie, en clair laisser le marché se faire, car on a une ville au firmament de plein d'indicateurs qui attirent la population extérieure", dit-il.

"Mais il faut accepter de construire un peu plus haut parfois quand on le peut pour accueillir d'autres personnes et ne pas être égoïste en disant +moi je suis hébergé à Rennes, les autres tant pis pour eux+", poursuit-il.

"Si on ne favorise pas la construction de logements, notamment sociaux, on exclut des habitants qui ne pourront plus habiter la ville et on n'aura que des personnes pouvant payer 4.000 euros du mètre". D'où la volonté de ne pas "muséifier" Rennes et de la reconstruire sur elle-même pour éviter tout étalement urbain.

Reste que la mairie assure avoir entendu certaines récriminations: dans le prochain Plan local d'urbanisme (PLU), qui devrait entrer en vigueur en 2019, il sera désormais interdit de démolir un bien immobilier classé trois étoiles.

Rennes, 29 jan 2019 (AFP) - © 2019 AFP

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