Un "atterrissage en douceur": c'est la prévision du bâtiment français pour 2020 après une année 2019 moins rude que prévu, grâce notamment à une victoire politique inattendue autour du maintien d'une aide publique cruciale, le prêt à taux zéro (PTZ).
"On prévoit pour 2020 un atterrissage en douceur avec toujours une progression mais qui ralentit", a résumé jeudi Jacques Chanut, président de la Fédération française du bâtiment (FFB), principale fédération du secteur, lors d'un bilan annuel.
Cette année, le nombre d'opérations dans le bâtiment a progressé de 1,2% et le secteur a créé 34.000 emplois, selon les chiffres de la FFB.
C'est la quatrième année de croissance de suite et ce n'était pas gagné d'avance: voilà un an, la fédération prévoyait un petit repli en 2019, même si elle avait déjà fait montre de plus d'optimisme en septembre. Désormais, elle compte sur une nouvelle progression de son activité (+0,8%) l'an prochain.
Pourquoi le secteur a-t-il gagné en optimisme? Il bénéficie surtout d'une année bien moins catastrophique que prévu dans l'une de ses principales activités: la construction de maisons.
Les ventes y ont nettement rebondi cette année (+5%) après une grosse déprime l'année précédente sur fond de réduction de multiples aides publiques à l'achat de logement, dont l'emblématique prêt à taux zéro (PTZ).
La FFB estime que les ventes de maisons ont rebondi grâce à des conditions de crédit historiquement favorables, les taux d'emprunt immobilier n'ayant jamais été aussi bas.
Certains économistes estiment toutefois que le secteur a aussi profité d'un effet d'aubaine ponctuel: le PTZ devait encore voir son périmètre réduit en 2020 et les acheteurs se sont précipités pour en profiter.
Quelle que soit l'explication, le contexte a changé ces dernières semaines. De manière inattendue, les députés ont désavoué le gouvernement sur le rabotage prévu du PTZ: ils l'ont maintenu en l'état, même si cette décision doit encore être confirmé en lecture finale du budget 2020.
C'est une victoire politique majeure pour le secteur du bâtiment, acharné à défendre cette aide que M. Chanut présente comme un dispositif de justice "sociale et territoriale" et qui contribue à soutenir sa propre activité. "On a pu faire comprendre aux parlementaires l'intérêt de ceci", a-t-il admis.
- Rénovation morose -
Mais les prévisions plutôt favorables de la FFB restent "sous conditions", comme l'a souligné son président. D'abord, elles supposent que le PTZ soit vraiment maintenu.
Ensuite, le secteur met en garde contre un encadrement plus strict du crédit immobilier, alors que les autorités financières sont sur le point d'annoncer des mesures pour éviter une surchauffe.
Cette prudence est d'autant plus marquée que, parallèlement à la construction de maisons, les autres secteurs du bâtiment font face à un paysage en demi-teinte.
Du côté des immeubles, les promoteurs immobiliers peinent depuis plusieurs trimestres à lancer des projets, des difficultés que le secteur met d'abord sur le compte de la timidité des élus à octroyer des permis à l'approche des municipales de 2020.
"La part sombre, ça reste le logement neuf collectif", a regretté M. Chanut.
L'activité est également décevante dans la rénovation, un secteur qui peine à décoller depuis plusieurs années et ne devrait enregistrer encore cette année qu'une hausse de 0,2%
"C'est le sujet qui à chaque fois nous étonne et nous préoccupe; la croissance de cette activité est (...) quasi nulle", a noté M. Chanut.
Pour l'avenir, le secteur craint les conséquences de la réforme des aides à la rénovation énergétique: elles fonctionnent actuellement sur le principe d'un crédit d'impôt; il doit être transformé en prime qui sera directement versée aux ménages.
Cette prime exclura largement les plus hauts revenus. Sur ce plan, le lobbying du secteur a été moins heureux que pour le PTZ auprès des députés, qui ont néanmoins réintégré les ménages fortunés pour quelques catégories isolées de travaux.
"Ce changement de système non seulement est moins généreux (...) mais aussi plus complexe", a estimé M. Chanut, craignant un net ralentissement de la rénovation à partir de la mi-2020.
Paris, 12 déc 2019 (AFP) - © 2019 AFP